Contre la réforme de l'assurance chômage et son monde

Les vendredis de la colère


Depuis deux mois, des milliers de personnes alertent sur l'aberration économique et sociale que représente la dernière réforme de l’assurance chômage. Contestée par les directions syndicales de salariés et rejetée en décembre 2020 par le Conseil d’État, cette réforme marque une rupture (supplémentaire) avec ses principes fondateurs. D’après les projections de l’UNEDIC, plus d’un million de chômeurs connaîtront une baisse notable de leurs allocations. D’autres perdront purement et simplement leurs droits à un revenu de compensation et rejoindront ainsi la masse des chômeurs non indemnisés. Les modalités d'élaboration de cette réforme lancent aussi un défi (de taille...) à tout ceux qui voudraient en comprendre la rationalité économique. En plus d’augmenter le nombre de pauvres, le nouveau mode de calcul génère des indemnisations extrêmement inégales pour des profils de travailleurs similaires. Ainsi, des salariés ayant effectué exactement le même nombre d’heures pour le même salaire pourraient connaître des écarts de rémunération de l’ordre de 1 à 24. "Mieux encore", les personnes tentées d’accepter un contrat court mal payé entre deux emplois pourront percevoir un revenu inférieur à celui qu’elles auraient touché si elles n’avaient pas accepté cet emploi intermédiaire. De quoi favoriser sans doute le travail non déclaré, à moins qu'il s'agisse de faire des économies en misant sur l'ignorance et l'honnêteté des chômeurs. Il est vrai que ce sont surtout les riches qui se conduisent en optimisateurs.


Les quelques deux milliards d’économie que permettraient cette réforme se réalisent ainsi sur le dos des chômeurs et des précaires dans un contexte où leur nombre est voué à exploser et où une part sans précédent de travailleurs est empêché d’exercer son activité. L’emploi souvent discontinu dans le secteur de la restauration, du tourisme et de la culture explique sans doute que ces professionnels soient pour le moment les plus mobilisés. Mais les spécificités de leurs secteurs ne doivent pas dissimuler les transformations profondes du marché du travail et sa réalité actuelle pour les nouveaux entrants. En 2019, 89% des embauches se faisaient à durée déterminée, 85% des CDD arrivés à terme cette année là ont duré moins d’un mois et 30% n’ont duré qu’une seule journée. L’occupation d’emplois courts et temporaires tend ainsi à s’imposer comme un modèle de société où la flexibilité du travail et la non indemnisation du chômage deviennent progressivement la norme, en particulier pour les jeunes, les non diplômés et les classes populaires.


Face aux effets destructeurs du chômage, des solutions politiques existent et des  propositions de loi sont régulièrement défendues par certains parlementairesA Paris et dans toutes les régions de France, les intermittents de l’emploi multiplient aussi les actions symboliques pour défendre le droit d'exercer leur travail et d'en vivre dignement. Leurs revendications font directement écho à celles des Gilets jaunes. Elles agrègent les mêmes exigences et reflètent le même rejet d'une société de plus en plus polarisée entre des ultra riches qui jouissent de leurs rentes et des premiers de corvées condamnés à la précarité et aux revenus de misère. Leur combat renvoie aussi directement aux principes fondateurs de la déclaration des droits de l'Homme de 1948 : « Toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à la protection contre le chômage. ». Un idéal universel régulièrement  bafoué  mais qui face à des régimes libéraux de plus en plus autoritaires impose, plus que jamais, d'être collectivement défendu. 

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