"Ne laissons plus le pouvoir à ceux qui nous accablent"
Paris, 20 mars 2022
Alors que le bilan du dernier quinquennat est désastreux, que le GIEC annonce une nouvelle fois que la moitié de l’humanité et de la biodiversité sont menacés et que nous sommes cloués dans un conflit qui peut encore dégénérer en guerre mondiale, jamais une échéance électorale n’a été aussi importante.
A environ un mois du scrutin, l'Union populaire et ses sympathisants tentent inlassablement d’informer sur leurs propositions politiques afin de mobiliser toutes celles et tous ceux qui ont le pouvoir de faire basculer les élections. Le cœur des abstentionnistes, composés traditionnellement d’une large fraction des jeunes, des classes populaires, des non diplômés, des sans sympathie partisane, détient de facto un pouvoir collectif considérable pour empêcher un second tour Macron / Le Pen, un scénario très majoritairement rejeté qui déboucherait inévitablement sur la reconduction du Président sortant.
Une réélection d’E. Macron serait un carnage sur le plan social si l’on en juge par les premières propositions de son "projet" et par la violence du quinquennat qui s’achève. Comme le note un collectif d’intellectuels dans une tribune récente " La réalité après cinq ans de macronisme, c’est que l’hôpital est en ruine, la justice est en ruine, l’école est en ruine, les libertés publiques sont en ruine, la grande cause du féminisme est une blague, Make Our Planet Great Again est une énorme blague – mais la police est toute-puissante et la surveillance numérique en train de passer des caps orwelliens. La réalité de cinq ans de macronisme, c’est qu’on n’a jamais connu une politique anti-sociale d’une telle violence, si outrageusement occupée des riches, si acharnée à mépriser ceux qui ne le sont pas. Le macronisme nous aura fait découvrir les gilets jaunes qui font un repas tous les deux jours, les étudiants à la soupe populaire, les parents d’enfant décédé dont les jours de congé « pénalisent les entreprises », la recherche d’emploi en traversant la rue, la négation de l’assurance chômage (...), le mensonge et la violence érigés en moyens ordinaires de gouvernement."
Alors que la multiplication des candidats de droite et d’extrême droite n’a sans doute jamais été aussi favorable à une réouverture du champ des possibles politiques, les attaques presque toujours ad hominem pour discréditer J.-L. Mélenchon ne doivent duper personne. Elles ne visent qu’un objectif : rendre inaudibles les propositions politiques alternatives portées par ce candidat et surtout démobiliser toutes celles et tous ceux qui ont un intérêt commun à transformer d’urgence le monde social. Aujourd’hui peut-être encore plus qu’hier, les gouvernements sortants rêvent d’un peuple divisé, résigné, fataliste qui laisserait de facto le pouvoir à ceux qui l’ont déjà. La dépolitisation et l’abstention d’une partie de plus en plus large de la population font partie des moyens les plus efficaces pour perpétuer « l’ordre des choses ». Évidemment, la course à l'audimat, la concentration des médias, la dégradation des conditions de travail des journalistes, etc. exercent des effets redoutables sur la qualité de l’information politique et la dégradation du "débat public". La France se situerait aujourd’hui au 34ème rang dans le monde concernant "la liberté de la presse" et en raison d’un quinquennat marqué par de nouvelles lois liberticides, elle est désormais classée au rang des « démocraties défaillantes ».
Dans ce contexte général plutôt sombre, la marche pour la 6ème République et le partage des richesses organisée par l’Union populaire représente un espoir. De fait, rares sont les formations politiques capables de réunir des dizaines de milliers de personnes en mobilisant bien au-delà des cercles militants. Ce dimanche 20 mars à Paris, au milieu des badauds venus sans doute se faire leur propre opinion sur Mélenchon et son équipe, on rencontre de nombreux citoyens non encartés, des Gilets jaunes, des jeunes, des retraités dont notamment plusieurs personnes en difficultés qui n’en peuvent plus du monde qu’on leur impose. Alors qu’un pantin à l’effigie de Macron virevolte dans le ciel au pied de la Bastille, une femme, la soixantaine, me confie : « Il y a trop d’urgences, c’est tout ! C'est pour ça que je suis là. Moi, j’ai fait les Gilets jaunes, j’ai fait aussi la soupe populaire. Voyez où on est aujourd’hui ? Avec la guerre en plus ! On ne peut plus se payer le luxe de laisser la situation se dégrader à chaque élection. Je ne veux plus laisser le pouvoir à ceux qui nous accablent ! »
Au fil de l’après-midi, dans une ambiance familiale, festive, les manifestants affluent en direction de la Place de la République pour écouter le tribun. Certains ont improvisé une banderole ou une pancarte, d’autres ont été équipés par les organisateurs pour rappeler quelques-unes des mesures portées par leur candidat : RIC, reconnaissance du vote blanc, révocation des élus, fin de la « monarchie présidentielle », règle verte, planification écologique, fin de la maltraitance animale, amnistie des Gilets jaunes, suppression de l’IGPN, lutte contre les féminicides, révolution fiscale, etc. La liste est longue. Ces mesures renvoient à un programme détaillé, chiffré, approfondi aussi dans différents livrets et plans d’actions, nourris depuis plusieurs années par l’expertise de nombreux chercheurs, responsables associatifs, acteurs de terrain, auxquelles se sont ajoutées des milliers de contributions de citoyens anonymes.
Au-delà des mesures qui permettraient de répondre de manière simple et efficace aux grandes urgences démocratiques et écologiques, c’est surtout la paix et l’urgence sociale qui semblent occuper la plupart des esprits. Dédié à la résistance du peuple ukrainien, le meeting de l’Union populaire réinscrit la guerre et la crise sociale actuelle dans les bouleversements géopolitiques majeurs induits notamment par le dérèglement climatique. Dans une campagne où les différents candidats rivalisent en propositions au mieux cosmétiques au pire indécentes, c’est une soif de justice sociale, de fraternité, d’humanisme et surtout d'espoir qui caractérise sans doute le mieux ce rassemblement. A coup de punchlines et de chiffres accablants sur les gilets jaunes mutilés, les milliards de dividendes distribuées aux plus riches, le nombre de sans abris et mal logés, etc. les différents intervenants à la tribune se font les porte-paroles des sans voix, des invisibles, de tous ces gens qui tout en bossant durement n’ont plus de quoi se nourrir, se loger, se soigner pour tout simplement vivre dans la dignité. Souvent pragmatiques et réalistes, les mesures égrainées pour construire un monde plus juste rappellent ainsi cette époque aujourd'hui lointaine, où la gauche n'avait renoncé ni à ses valeurs ni à la transformation de l'ordre capitaliste. En somme, quand la gauche essayait.
« Ne laissons pas le pouvoir à ceux qui nous accablent ! »